Les seigneurs de l’instrumentalité

Le chef-d'œuvre absolu et incontesté de Cordwainer Smith, Les seigneurs de l'instrumentalité, vient d'être enfin réédité. Si vous ne l'avez pas lu dans les éditions précédentes, notamment les 6 volumes chez Presse Pocket, Folio SF a recompilé cette fresque grandiose en quatre tomes. Pour mémoire, il s'agit d'une "histoire du futur" inspirée — pour reprendre les termes de Philippe Curval — par l'ange du bizarre… Planètes peuplées de créatures improbables, drogue d'immortalité, femme-chat, séquelles d'après-guerre radioactive, environnement hyper-technologique, manipulations psychologiques, lutte pour le pouvoir au sein de l'empire, etc. Cette saga comporte tous les ingrédients du space-opéra (sa rédaction a d'ailleurs commencé à l'âge d'or de la SF) et des cycles, du genre Fondation d'Asimov. Mais à la différence de ce type de chroniques interminables, Les seigneurs de l'instrumentalité repose sur une écriture, plus dynamique et séquencée, qui multiplie les angles et les perspectives : ce n'est pas une seule et même histoire, mais de près d'une quarantaine de textes distincts qui en forment la trame. Un canevas uniquement comparable à celui établi par Saberhagen pour décrire ses redoutables Berserkers… Beaucoup de nouvelles, donc, regroupées dans les 2 premiers volumes (Les Sondeurs vivent en vain et La Planète Shayol), et un court roman, Norstralie (précédemment publié en deux parties, L’homme qui acheta la Terre et Le sous-peuple) qui s'imbriquent sur un arrière-plan commun. Le 4e tome renferme des "légendes" annexes et un glossaire établit par Anthony Lewis — gratifié du prix Hugo pour ce travail d'entomologiste — qui souligne en creux l'interconnexion de tous ces textes. Fondamental.

Laurent Diouf
MCD #16, avril 2004

Cordwainer Smith, Les seigneurs de l'instrumentalité (rééd. Folio SF)

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