Nicholas Carr

L'effet papillon

Malgré son inscription dans le temps et les promesses d'une aube numérique nouvelle, le web fait toujours peur… Sur ce terrain comme sur d'autres, s'affrontent toujours deux visions du monde. Une qui focalise sur la (fausse) promesse d'une parousie hyper-technologique; ultime avatar de la vieille philosophie du progrès. L'autre, vieille comme le monde également, qui se crispe sur de (fausses) craintes réactionnaires. Contrairement à ce que le titre de son livre — Internet rend-il bête ? — pourrait suggérer, Nicholas Carr ne s'inscrit pas dans ce prolongement même s'il pointe les limites cognitives induites par l'avènement d'une pensée papillonnante à l'ère du surf sur la Toile.

Bien documenté, croisant de multiples références sociologiques, historiques, techniques et philosophies en une sorte d'inventaire à la Attali par exemple (cf. Bruits, Histoire du temps), ce journaliste-blogueur montre dans une saisissante perspective et prospective, la mutation de nos processus de réflexion, ce basculement de civilisation du Livre qui supposait moins d'ouverture au monde, mais plus de pouvoir de concentration, à celle du Réseau et de ce qu'il appelle l'écosystème de technologies d'interruption qui implique, intrinsèquement, plus d'ouverture d'esprit, mais moins de rigueur intellectuelle… Mais nous ne sommes qu'au début de ce basculement, seul un lointain avenir nous dira si cette mutation neuronale fut une régression ou le signe d'un nouveau pas de l'évolution…

Laurent Diouf
Digitalarti Mag #8, janvier-mars 2012

Nicholas Carr, Internet rend-il bête ? (Robert Laffont, 2011)

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