La trilogie de béton

Réunion en un seul volume des romans phares de J.G. Ballard, Crash !, L'île de béton et I.G.H. chez Denoël. Détail, ce n'est pas dans la collection "Lunes d'Encres", mais dans celle qui accueille aussi Jack-Alain Léger, Malcom Lowry et Antoine Volodine, "Des heures durant…".
Désormais consacré comme écrivain à part entière, donc, Ballard est, un peu comme Dick, jeté en pâture du grand public "grâce" à des adaptations cinématographiques. L'empire du soleil, son autobiographie racontant sa jeunesse chinoise pendant la guerre contre le Japon, fût porté à l'écran par Spielberg.
Et Crash !, dont les germes sont présents dans des nouvelles antérieures (cf. les recueils Vermillion Sands, La foire aux atrocités), fût "gentiment" adapté par Cronenberg. Gentiment, car, comparé au récit, le réalisateur de Vidéodrome, du Festin Nu (d'après Burroughs) et d'eXistenZ reste bien en deçà de la puissance évocatrice et dérangeante de ce roman pornographique fondé sur la technologie. Là où Cronenberg exhibe une prothèse et du cuir à peine apte à satisfaire un(e) jeune automobiliste abonné(e) à Démonia, Ballard nous montre les entrailles mécaniques et huileuses d'un "mythe d'un futur proche", ce "désir de catastrophe" mêlé de sexe saignant (slurp), de chair boursouflée de cicatrices (miam) et de parano high-tech (pas glop).
Comme il le rappelle dans la préface, nos enfants ont moins à craindre des voitures sur les autoroutes de demain que du plaisir que nous prenons à calculer les paramètres les plus harmonieux de leurs morts futures. Cette vision d'un avenir éminemment dystopique se retrouve dans L'île de béton (la découverte d'une sorte de T.A.Z. au pied d'un échangeur) et I.G.H. (Immeuble de Grande Hauteur ou comment survivre dans un labyrinthe fonctionnel contre ses congénères…).

Laurent Diouf
MCD #34, mai-juin 2006

J.G. Ballard, Crash !, L'île de béton et I.G.H. (Denoël / Des heures durant…)

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