La Maison Des Feuilles

MAISON…

Dès que l'on a l'objet en main, on comprend pourquoi Mark Z. Danielewski a commencé par faire circuler des extraits de La Maison Des Feuilles sur le Net. Non pas que ce soit UN roman interactif — est-ce encore UN roman d'ailleurs ?… — mais parce que c'est UN véritable rhizome littéraire… UN ovni scriptural dont le seul le réseau, dans l'absolu, peut témoigner de la richesse. De l'effrayante multiplicité. Le ressort cet ouvrage, dont la traduction française nous arrive deux ans après sa publication aux États-Unis, c'est en quelque sorte une fiction dans la fiction…

Action: UN cinéaste nommé Will Navidson filme son déménagement et son installation dans sa nouvelle maison. Problème, il découvre une pièce fantôme. UN paradoxe géométrique. Une "histoire d'aberration"…

Plus tard, beaucoup plus tard, UN certain Johnny Errand découvre UN manuscrit annoté par Zampanò, UN vieil homme qui vient de rendre l'âme dans l'état où il l'avait trouvée. Ou presque…

Ces annotations compulsives et en apparence désordonnées sont les éléments d'études de ce Blair Witch domestique… Une dissection pratiquement image par image. Mais c'est surtout une source intarissable de cauchemar.

UN cauchemar à "n" dimensions…

… comme en témoigne la maquette / mise en page de ce manuscrit extra-ordinaire qui tient tout à la fois des expérimentations du groupe Oulipo (Queneau, Perec, Calvino et consorts), du cut-up (Burroughs), et des calligrammes d'Apollinaire.

Récits, proses, poèmes, dialogues, lettres, aphorismes.

Notes en bas de pages, inserts, coupures de journaux, définitions du dictionnaire.

Signes cabalistiques, dessins, photos.

Effets de styles, d'écriture, de typographie.

Jeu sur la

taille

de la police (fuck) et l'interlignage.

Espaces             (blancs), pages de la même couleur.

Colonnes multiples, paragraphes encadrés, ponctuation aléatoire.

Justification alternée.

Opposition MAJUSCULE / minuscule.

Impression inversée, décalée.

Ratures, surcharges.

Mots soulignés, rayés.

Et caetera.

Le but de tous ces artifices étant de cerner l'indiscernable. D'essayer de rendre visible l'invisible. De perdre le lecteur dans UN couloir sans fin.

D'aller au bout du labyrinthe…

Nota bene à l'intention de Christian Lehmann: ce type d'expérience "typographique" a été pratiquée par Serge Féray pour nous parler de l'Apocalypse (Cahiers De Nuit / Station Mir), simultanément à la construction de cette maison (voir chronique dans Coda, juillet 2000)…

 

L@urent Diouf
publié dans coda, septembre 2002

Mark Z. Danielewski, La Maison Des Feuilles (Denoël & Ailleurs, 2002)

 

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