Conrad Schnitzler / Borngräber & Strüver


 
CONRAD SCHNITZLER / BORNGRÄBER & STRÜVER
Con-Struct
(M=Minimal)

Curieux télescopage : en ce début août, alors même nous écoutons cette production en vue d'en faire la chronique, nous apprenons la disparition de Conrad Schnitzler ! Nous débuterons donc ce repérage par une petite nécro, quelques lignes histoire de rappeler l'extraordinaire destin de ce pionnier de la musique expérimentale mort à 74 ans. Son nom reste indissociable de la mouvance krautrock, cette fameuse scène "kosmische" qui illumina l'Allemagne fin 60/début 70s avant de conquérir le monde avec ses arpèges planants et synthétiques, forcément synthétiques, et ses arrangements parfois abscons, précurseurs de la musique électronique telle que nous la connaîtrons plus tard avec la génération "intelligent techno" et le renouveau de l'ambient. On découvre Conrad Schnitzler tout d'abord au sein de Tangerine Dream (première formule, avec Edgar Froese et Klaus Schulze), puis à l'œuvre avec un autre groupe culte : Kluster (feat. Conny Plank, Hans-Joachim Roedelius et Dieter Moebius). Il prend ensuite des chemins de traverse pour mener des expériences sonores plus théâtrales et bruitistes, entre happening et installation, mais toujours ludiques et qui font sans doute "écho" à l'enseignement artistique qu'il a suivi dans sa jeunesse sous la tutelle de Joseph Beuys !
Cette réalisation est basée sur une sélection de sons exhumés de sa base d'archives par Christian Borngräber et Strüver. Si ces sonorités, plus exactement leur tonalité, sont de fait datées par l'emploi de synthétiseurs vintage et de tout un équipement audio analogique, en revanche, il s'agit bien de nouvelles compositions faites à partir de ces éléments récemment mis au jour puis ré-agencés, et non pas de remixes ou d'anciens enregistrements restés inédits. L'ambiance assez trouble qui se dégage à l'écoute de ce disque posthume renforce le sentiment d'étrangeté qui entoure sa parution… Tout commence par un long "boing" qui s'étire puis se distorse avec des ricochets élastiques en contre-point… Ensuite, des nappes forment des boucles étranges qui tissent un climat pesant… Des nappes, toujours, qui finissent dans un troisième mouvement par être soutenues par un groove soft et évolutif… Quelques notes semblant extraites de la B.O. d'un film imaginaire changent provisoirement la donne en ponctuant notre errance dans ce corridor musical, comme si nous étions victimes d'un "trouble éveillé de la conscience"… Nous "naviguons" ensuite sur des sons à la fois mécaniques et aquatiques avant que des nappes sourdes étendent leurs dangereuses circonvolutions comme des fumées épaisses et noires… Des nappes omniprésentes, mais combinées différemment ou rythmées par un tintement métallique… Nous sommes complètement immergés dans cet univers sonore très particulier lorsqu’une note insistante retentit comme une alarme… En bout de piste, de l'écho et des sonorités, une fois encore liquides et caoutchouteuses, s'effacent progressivement devant une mélodie insidieuse qui s'élève comme un ultime au revoir…

Laurent Diouf
Septembre 2011

Lien Permanent pour cet article : https://www.wtm-paris.com/conrad-schnitzler/