Bass Culture

À l'égal de Steve Barrow et Peter Dalton, auteurs de The Rough Guide to Reggae, Lloyd Bradley a établi la généalogie et l'évolution de la Bass Culture. Publié il y a 5 ans en Angleterre, son livre vient enfin d'être traduit en français par les Éditions Allia. C'est un travail archéologique qui nous retrace la pré-histoire et le devenir du reggae qui donnera naissance ensuite, comme chacun sait, au dub, au ragga et à la jungle… Mais c'est par rapport aux codes et rituels techno que les signes distinctifs de la bass-music présentent des similitudes troublantes.

Les adeptes le savent, le reggae-dub est la mère de toutes les batailles : quarante ans (!) avant l'équipée sauvage des Spiral Tribe, tout annonce le phénomène des raves : la constitution de sound-sytems hérissés de murs d'enceintes qui, pour certains, sillonnent la Jamaïque avec leurs hordes de fans… Le début du phénomène dancefloor et des marathons de danse jusqu'au petit matin blême. Le pressage de dub-plates. Le maquillage des disques ou la course à ce que l'on n'appelle pas encore des white-labels… L'élaboration d'un son spécifique et la constitution d'un courant musical où le tempo se fait linéaire et hypnotique. Les dreads, pas toujours au contrôle… La violence et la dope, aussi. La guerre avec police, bien sûr… L'émergence de nouveaux acteurs : le selector, l'operator puis le DJ… La place prépondérante de l'ingénieur du son, ensuite. Puis l'omniprésence des machines (table de mixage, racks d'effet, etc.) et les balbutiements de l'électronique.

Mais revenons à nos moutons noirs… Lloyd Bradley montre, au fil d'entretiens et de souvenirs avec des figures mythiques (Prince Buster, Lee Perry, Denis Bovell, Bunny Lee, etc.), les vagues successives qui, de styles musicaux en producteurs, amenèrent le reggae à son âge d'or puis à son exil en Angleterre où il connut un nouvel essor à la faveur d'un nouveau public… C'est titanesque et irréprochable. C'est à peine si l'on regrette qu'il n'ait pas mieux souligné la spécificité de la dub-poetry qui prenait grâce à LKJ le contrepied du mysticisme sectaire et fataliste des rastas en énonçant quelques vérités matérialistes ("Reality poem")…

Laurent Diouf
MCD #28, printemps 2005

Llyod Bradley, Bass Culture : quand le reggae était roi (Éditions Allia, 2005)

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